« Quand on a rencontré un autiste, on a rencontré UN autiste », assène un dicton en vogue auprès des groupes d’autistes. Autrement dit : oubliez les généralités, c’est le cas particulier qui compte.
Autisme, mode d’emploi
Mais tout de même. Avec des approches scientifiques violemment contradictoires, des symptômes socialement handicapants et une pathologie qui, par définition, empêche celui qui en souffre de s’expliquer aux autres, l’autisme a besoin de modes d’emploi. Parents désemparés, proches trop prompts à juger, encadrement dépassé, « autisme » rime bien souvent avec désespoir pour ceux qui s’y trouvent confrontés. L’ouvrage de Brigitte Harrisson, Lise St-Charles et Kim Thúy propose une première approche marquée au coin de la pédagogie, de la simplicité, de la vie pratique. Avec des tonnes d’amour dedans.
Déployer leurs ailes
Il s’agit d’abord de comprendre les comportements et de leur laisser de la place. Ainsi, le refus du contact physique, l’objet fétiche ou le « battement d’ailes », ce battement rapide des mains. Plutôt que de contrarier ces comportements, les auteurs en donnent des clefs.
Le contact physique ? Une information que le cerveau autiste doit traiter. Elle est puissante et complexe. Et non-visuelle, donc peu adaptée à la compréhension par l’autiste, qui la traduit d’abord en malaise. Les proches pourront proposer des vêtements longs qui limitent les contacts et ne toucheront pas un autiste sans qu’il n’ait vu le geste arriver vers lui.
L’objet fétiche ? Un marqueur qui aide à repérer son corps quand il se déplace, un repère concret. Il permet de penser à autre chose qu’au déplacement lui-même. Si l’autiste doit s’en séparer pendant un moment, on lui laissera le déposer à portée de regard, pour qu’il ait toujours une référence.
Quant au « battement d’ailes », les auteurs piquent, avec raison, une saine colère. Pourquoi vouloir réprimer ce geste alors que tous les autistes du monde le font ? Pourquoi prétendre que ce comportement est « guéri » quand on l’a rendu invisible ? Le battement des mains traduit l’arrivée à un stade de développement émotionnel. Et souvent, il est l’expression d’une émotion positive. C’est la dernière des choses à réprimer.
Vidéo et diapos
La vie quotidienne présente son lot de défis. À l’aide de courts chapitres illustrés d’exemples, les auteurs donnent des pistes qui prennent toujours en compte le bien-être de l’autiste. La coupe des cheveux, la douche, le port d’un casque antibruit, le choix des vêtements, les réactions à la douleur. Pour chaque situation, nous revenons au fonctionnement du cerveau.
Parfois, l’une des auteurs raconte une expérience vécue, par elle ou par son enfant. Petit à petit, nous, les lecteurs, comprenons la mécanique. Ainsi, nous découvrons que si une personne « neurotypique », c’est-à-dire non-autiste, traite une situation de la vie comme une vidéo qui se déroule sous ses yeux, l’autiste, lui, découpe l’information en diapositives, qui demanderont davantage d’efforts pour être reliées entre elles.
Le tabou de l’intelligence
Au-delà de l’approche pratique, les auteurs s’attaquent aux tabous. Les autistes sont-ils moins intelligents ? Présentent-ils des déficiences ? Ressentent-ils des émotions ? Pourront-ils aller à l’école ?
La réponse, bien sûr, est en nous. C’est à nous qu’il manque une case. La case « décodage » d’une autre façon de fonctionner. D’un chapitre à l’autre, nous tissons des passerelles en direction des autistes, nous modifions nos comportements, nous transformons les problèmes en solutions.
L’ouvrage s’adresse en priorité aux parents d’enfants que l’on vient de diagnostiquer. Mais aussi à tous leurs proches, tous ceux qui sont en contact régulier avec de jeunes autistes. La lecture apaise, décomplexe, éclaire. Elle guide nos premiers pas.
L’autisme expliqué aux non-autistes, par Brigitte Harrisson et Lise St-Charles, avec la collaboration de Kim Thúy, Éditions Marabout, 2018, 192 pages, 17,90 €. Disponible sur le site de la Fnac.